Art et IA : surveillance et croyances algorithmiques
Deuxième séance du séminaire « L’œil numérique », co-animé par Laurence Danguy et Julien Schuh dans le cadre du consortium-HN pictorIA, consacrée au thème « Art et IA : surveillance et croyances algorithmiques ».
Elle aura lieu en présentiel sur le campus de l’Université Paris Nanterre et à distance par lien Zoom.
Lien de visioconférence: https://cnrs.zoom.us/j/92191529765?pwd=3pPaONLeULlF087NmVjjuyRyAsYTN8.1
Jean Paul Fourmentraux (Université Aix-Marseille, Centre Norbert Elias, UMR CNRS 8562): E.motion artificielle : l’art contre la machine
Ladite Intelligence artificielle serait-elle devenue le creuset d’une traçabilité sans précédent des comportements, de l’expression des goûts ou des dégoûts, et par extension, de l’ensemble des communications et relations interhumaines médiées ? Un véritable marché pour les multinationales du Web qui désirent capter et mieux orienter ou prescrire nos comportements et nos vies numériques. Par la captation de nos identités, la reconnaissance faciale, la récolte des données de navigation, par l’observation de toutes nos connexions et requêtes sur le Web, par la prescription de « nouveaux » actes – « liker », commenter, cliquer, souscrire, préférer, etc. –, les entreprises de la Silicon Valley ont fait de nos données numériques les plus personnelles et intimes des produits monnayables sur le marché des émotions ou des prévisions comportementales. A partir de travaux d’artistes, cette communication propose de questionner l’emprise technoscientifique de l’IA, de la capture et exploitation des émotions. Je vais me baser pour cela sur des observations menées dans deux ouvrages intitulés antiDATA, la désobéissance numérique, et Sousveillance, l’œil du contre-pouvoir, qui m’ont conduit à étudier les formes de résistances artistiques et citoyennes à l’emprise des technologies articulées à ce que plusieurs sociologues et économistes ont proposés de nommer le « capitalisme de surveillance ».
Jean-Paul Fourmentraux, socio-anthropologue (PhD) et critique d’art (AICA), est professeur à l’Université d’Aix-Marseille et membre du Centre Norbert Elias (UMR-CNRS 8562). Ses travaux interdisciplinaires portent sur les enjeux politiques et anthropologiques des arts et des technologies.
En lien avec le séminaire, il a notamment publié antiDATA, la désobéissance numérique (Presses du réel, 2020), Sousveillance. L’œil du contre-pouvoir (Presses du Réel, 2023). Il a également dirigé les ouvrages L’Ere Post-media (Hermann, 2012), Identités numériques (CNRS, 2015), Digital Stories (Hermann, 2016), Images Interactives (La Lettre Volée, 2017).
Lauranne Pottier (Université de Lausanne): HumAIne ? Humain machine et machine humaine, les croyances autour de l’Intelligence Artificielle génératrice d’images
Dans son fonctionnement même, l’IA fascine le grand public qui peine à la comprendre, glorifiant tantôt ses créateurs, tantôt se laissant bercer par la terrible histoire d’une humanité dépassée. La machine qu’est l’artiste humain est-elle désormais détrônée par l’Intelligence artificielle, au rendement plus efficace ? Cette mise en scène de la concurrence entre l’homme et son outil, si absurde soit-elle, nous parle de notre vision de l’être humain, dont le corps exploité ne répond plus aux attentes toujours plus folles de l’industrie. L’art doit-il se soumettre à ces normes en mouvement, répondre à l’urgence en s’adaptant, ou résister coûte que coûte en revenant à ses principes les plus basiques ?
Nous aborderons les questions écologiques qui sont au cœur des débats concernant les IA génératrices d’images, ce qui nous permettra surtout de nous interroger quant à la nature de ce que l’on nomme une machine, et de ce qui la sépare d’un être humain. Dans un effort de compréhension qui nous séparera de l’idée d’une IA anthropomorphe, nous nous pencherons sur le fonctionnement technique des Latent Diffusion Models comme DALL-E et Stable diffusion, qui permettent la génération d’images à partir de texte. La vision positive d’un futur de plus en plus technologique est largement présente dans le grand public, dont l’engouement provient de ce qu’il imagine être une démocratisation du monde de l’art. La notion même de ce qu’est un artiste joue un rôle prédominant dans la manière dont on conçoit l’IA, tant comme outil, tantôt comme une artiste à part entière. L’avènement de l’IA fait partie d’une somme de phénomènes qui tendent vers une disparition de l’apport humain sur internet, qui foisonnait jadis de sa créativité. Elle l’a nourri pendant un certain temps, mais la vie que l’on prête à la technologie semble déjà s’éteindre tandis qu’elle se reproduit elle-même.
