Son enseignement
René Ginouvès était professeur d’archéologie et d’histoire de l’art antique.
Il avait enseigné dans les universités de Lille, de Rennes, de la Sorbonne et comme professeur à Nancy. A partir de 1968, il fut à Paris X-Nanterre un des fondateurs du département d’histoire de l’art et d’archéologie.
Il était un enseignant brillant, capable d’enthousiasmer les étudiants débutants et de passionner les plus avancés. Ses élèves peuvent témoigner de sa générosité scientifique et de son soutien chaleureux.
A l’université de Nancy (1962-68)
Par Yvette Morizot, Université Paris Nanterre, UMR ArScAn

Delphes, sanctuaire d’Athena Pronaia

Delphes, sanctuaire d’Apollon

Olynthe, mosaïque de galets du Bellérophon

Tapis de seuil de cette même mosaïque,
griffons attaquant un cerf. © Y. Morizot (UMR ArScAn)
Venant de Rennes, René Ginouvès, prit à Nancy la succession de F. Chamoux comme professeur. Son enseignement portait sur l’art préhellénique, l’art grec et romain, et touchait à d’autres cultures (Proche Orient, Egypte, Etrusques). Il développait de préférence ses thèmes de recherche, architecture, mosaïque, réalia, en particulier le bain, et des études de sites majeurs ; l’ascension de la voie sacrée du sanctuaire de Delphes, sur les pas de Pausanias, prit trois ans. Ces programmes étaient loin d’épuiser la polyvalence de R. Ginouvès, puisqu’il parlait de Picasso, de Le Corbusier et de l’architecture.contemporaine.
Les auditeurs séduits par la sensibilité et la poésie de sa vision se pressaient à ses cours. Les étudiants appréciaient sa modernité, son tempérament méditerranéen chaleureux, sa disponibilité pendant ses séjours lorrains. Des volontaires s’occupaient des diapositives et de la petite collection archéologique attachée au département, ou rédigaient des fiches descriptives de mosaïques, en relation, déjà, avec un projet d’application de l’informatique à l’archéologie. Ils se livraient à ces tâches le plus souvent en compagnie du maître, environnés de tableaux contemporains où figuraient des collages qu’il avait réalisés avec sa mère.
A l’université Paris Nanterre – Nanterre (1968-94)
Par Yvette Morizot, Université Paris Nanterre, UMR ArScAn

Signe de Tanit au centre d’une mosaïque de Délos. © A.M. Guimier-Sorbets (UMR ArScAn), 1994

Façade rupestre de Pétra pour souligner l’intérêt de R. Ginouvès pour le Proche-Orient ancien. © A.M. Guimier-Sorbets (UMR ArScAn)
L’université avait quatre ans quand René Ginouvès arriva à Nanterre ; le département d’Histoire de l’art avait été fondé par Pierre Francastel. R. Ginouvès s’investit dans les tâches dévolues au pionnier qu’il était : organisation de l’enseignement en archéologie classique, mise en place de structures pour la recherche, et avec Marc Le Bot, contemporanéïste, développement du département en interne et dans le cadre de l’université.
Les débuts se firent dans l‘effervescence qui marqua et suivit 1968, avec des moyens limités, alors que le campus, peu aménagé, avait tout d’un terrain d’aventure. Le goût de faire partager, la liberté, l‘enthousiasme ambiants se retrouvaient dans les cours de R. Ginouvès. Chez lui, la passion demeura jusqu’au bout intacte.
Le recrutement de Lilly Kahil, spécialiste d’iconographie, contribua au déploiement de l’art antique. L’université disposait de locaux à l’Institut d’Art, destinés aux centres de recherche et où se déroulaient les séminaires, largement ouverts. Des conférences donnaient aux étudiants l‘occasion de connaître des chercheurs dans les domaines mis au programme, et parfois grâce aux relations de R. Ginouvès et L. Kahil, de vivre des temps forts de l‘actualité archéologique internationale, comme lors de la présentation des découvertes de Vergina.
Une Maison pour la recherche fut assez tôt un objectif très prenant, présent dans les conversations même lorsque amis, collègues et visiteurs se retrouvaient dans l‘ambiance chaleureuse d’un restaurant aux limites du campus dont R. Ginouvès appréciait le couscous roboratif.
Hommage à mon professeur
par Nassera Zaïd, post-doctorante, Université Paris Nanterre, UMR ArScAn

Gortys © A.M. Guimier-Sorbets

Olynthe © Y. Morizot (UMR ArScAn)
René Ginouvès avait une grande affection pour ses étudiants et ne manquait jamais une occasion de leur montrer. Il nous respectait et nous considérait et j’aurais aimé prolonger encore quelque temps ces discussions passionnantes que nous avions tous ensemble au 3e étage de la rue Michelet. René Ginouvès est décédé, quelques semaines avant la soutenance de ma thèse, après qu’il m’eut fait part de ses derniers commentaires. Et depuis, je garde le souvenir de ce professeur souriant, généreux et sincère, toujours disponible, qui m’a constamment encouragée et soutenue dans ce difficile travail de thèse.Tout a commencé, en 1982, à Nanterre, par l’histoire du bain chez les Grecs. Chaque semaine nous étions plusieurs dizaines à suivre assidûment ce passionnant feuilleton d’un autre temps où, à notre grande surprise, il nous apprenait que les Grecs utilisaient déjà la baignoire…
Après moult croquis esquissés sur le tableau et un discours imagé, l’épisode se terminait systématiquement par une dernière question et un large sourire signifiant que la réponse ne viendrait qu’au prochain cours. Et curieux, nous revenions… Car René Ginouvès savait captiver son auditoire. Quelques années plus tard, rue Michelet, nous n’étions plus qu’une poignée à nous serrer dans son bureau, trop exigu pour recevoir plus de dix étudiants. Malgré l’étroitesse du lieu, il trouvait toujours une solution pour loger un nouveau venu ou un ami grec de passage à Paris. Jamais nous n’avons imaginé changer d’endroit, comme si ce lieu renfermait tout ce que nous aimions le plus chez cet homme brillant : enthousiasme, passion et érudition.